Siddi Uways al-Qarnî & 1

Le cheikh Abû al-Fadl, suivant une chaîne de garants remontant à `Alqama Ibn Murthid, a rapporté un témoignage sur l'ascétisme de huit personnes de la deuxième génération de Musulmans (at-tabi`i'n) dont Uways al-Qarnî.
Il a dit :
« Les membres de la famille d'Uways crurent que celui-ci était fou. Ils lui construisirent une chambre au seuil de leur maison. Des années passèrent sans qu'ils voient son visage. Sa nourriture, il la prenait du produit des noyaux de dattes qu'il vendait le soir. S'il trouvait une datte de mauvaise qualité, il la conservait pour s'en alimenter.
Lorsque 'Umar Ibn al-Khattâb - que la grâce de Dieu soit sur lui - devint calife, il dit :-O vous les gens ! Levez-vous.
Ils firent ce qu'il demanda. Puis, il dit :
-Asseyez-vous sauf ceux qui habitent à Kûfa.
Tous s'assirent, à l'exception d'un seul qui était l'oncle paternel de Uways Ibn Anîs. 'Umar dit :
-Renseigne-moi.
-Au sujet de quoi ?
-Pourquoi demandes-tu après lui, ô Emir des croyants ? Par Dieu ! Il n'y a pas parmi nous un homme aussi idiot que lui et aussi tordu que lui.
- J'ai entendu l'Envoyé de Dieu - que Dieu lui accorde la grâce et la paix - dit 'Umar en pleurant, dire qu'il entrera au Paradis avec son intercession, comme Rabi' et Mudirra. »
Haram Ibn Hayyân a dit :
« Lorsque cette nouvelle me parvint, je me suis rendu à Kûfa. Je n'avais d'autre souci que: demander après Uways. Je l'ai trouvé, assis au bord de: l'Euphrate, en train de faire ses petites ablutions. Je l'ai reconnu d'après la description qui m'a été faite de lui.
C'était homme grassouillet et de peau noire. Il avait la tête rasée. physionomie était imposante. Je l'ai salué et il m'a rendu le salut. Il me regarda. Je lui ai tendu ma main pour serrer la' sienne. Il refusa de me serrer la main.
Je lui ai dit:
-Que Dieu t'ait en Sa miséricorde !
Puis, les larmes m'étouffèrent à cause de l'amour et de Ia compassion que j'éprouvais pour lui. Le voyant dans l'état o' il se trouvait, j'ai pleuré et il pleura en même temps que moi. Il me dit :
-Que Dieu te garde en vie, ô Haram Ibn Hayyân ! Comment se fait-il, ô mon frère, que tu sois dans cet état à cause de moi ?
-C'est par Dieu, le Puissant, le Majestueux.
-Il n'y a de divinité que Dieu. Quand notre Seigneur, le Glorieux promet une chose, elle se réalise inévitablement.
-Comment connais-tu mon nom et celui de mon père alors que je ne t'ai jamais vu avant ce jour et que tu ne m'as jamais vu ?
-C'est le Connaissant, l'Informé, qui me l'a appris. Mon âme a reconnu la tienne aussitôt que mon esprit a parlé au tien. C'est que les âmes ont des esprits comme les corps. Les croyants se reconnaissent mutuellement et ils s'aiment les uns les autres en Dieu, le Puissant, le Majestueux, même s'ils ne se rencontrent pas et ne se connaissent pas, et que les endroits où ils se trouvent sont éloignés.
-Que Dieu t'ait en Sa miséricorde, parle-moi de l'Envoyé de Dieu - que Dieu lui accorde la grâce et la paix.
- Je ne suis pas un contemporain de l'Envoyé de Dieu -que Dieu lui accorde la grâce et la paix. Je n'ai donc pas eu l'occasion d'être en sa compagnie, ni lui de la mienne. Mais j'ai rencontré des hommes qui l'ont connu. Je n'aime pas ouvrir la discussion à ce sujet, ni en faire la narration, ni en donner des avis juridiques. Je n'ai pas à me préoccuper des gens.
-Ô mon frère ! Lis-moi alors des versets du Livre de Dieu afin que je les entende de toi et donne-moi un conseil que j'apprendrai de toi. Je t'aime en Dieu.
-Je demande refuge, dit-il en me prenant la main, auprès de l'Entendant, le Connaissant, contre Satan le lapidé. Mon seigneur, Béni et Très Haut, a dit, et la plus vraie des paroles est celle de mon Seigneur et le plus authentique discours est celui de mon Seigneur.
Il récita : "Ce n'est pas par jeu que Nous avons créé le ciel et la terre et ce qui est entre eux... "
Jusqu'à la fin du verset : "Il est le Puissant, le Miséricordieux."
Il se mit à sangloter fortement. Je l'ai regardé pensant qu'il s'était évanoui. Puis, il dit :
-Ô Ibn Hayyân ! Ton père Hayyân est mort et toi tu es sur le point de mourir. On ne sait pas si ton refuge sera le Paradis ou l'Enfer. Ton père Adam est mort. Ta mère Eve est morte. Ô Ibn Hayyân, Noé, l'envoyé de Dieu, est mort. Abraham, l'ami intime du Miséricordieux, est mort. Moïse, qui parla au Miséricordieux, est mort. David, le calife du Miséricordieux, est mort. Muhammad - que Dieu lui accorde la grâce et la paix - est mort. Abû Bakr, le calife de l'Envoyé de Dieu - que Dieu lui accorde la grâce et la paix - est mort. 'Umar Ibn alKattâb, mon frère et mon ami, est mort.
-Que Dieu t'ait en Sa miséricorde l'Umar n'est pas mort.
-Que non ! Mon Seigneur m'a annoncé sa mort, comme Il m'a annoncé ma mort et la tienne.
Puis, il pria sur le Prophète - que Dieu lui accorde la grâc et la paix - et fit de brèves invocations. Après quoi il dit :
- Le conseil que je te donne, c'est le Livre de Dieu. Les envoyés sont morts. Le meilleur des croyants est mort. Il t'appartient de te souvenir de la mort. Que ton coeur ne se sépare pas, ne serait-ce que du coin de l'oeil. Mets en garde te gens si tu retournes vers eux. Donne ce conseil à toute la communauté.
Prends garde de te séparer de la collectivité, tu te séparais de ta religion sans le savoir, et alors tu entreras en Enfer. Invoque Dieu pour moi et pour toi. Seigneur il prétend qu'il m'aime en Toi, qu'il m'a rendu visite pour Toi fais-moi alors connaître son visage au Paradis et fais-le entrer auprès de moi dans Ta maison, la Maison de la Paix. Sauve garde-le aussi longtemps qu'il restera vivant en ce monde. Facilite-lui ce qu'il y a en ce monde. Fais en sorte qu'il soit, de ce que Tu lui as donné de Tes bienfaits, parmi les gens reconnaissants.
Récompense-le en bien. Que la paix soit sur toi ainsi que la Miséricorde de Dieu et Sa bénédiction. Je ne te verrai plus après ce jour car je n'aime pas la renommée. La solitude est meilleure pour moi. Je suis souvent angoisse Aussi longtemps que tu seras vivant parmi les gens, ne les interroge pas sur moi et ne leur demande pas après moi. Cependant, sache que tu resteras dans mon esprit, même si je ne te vois pas et que tu ne me vois pas.
Mentionne-moi et invoque Dieu pour moi. Quant à moi, je L'invoquerai pour toi et je te mentionnerai, si Dieu veut. Maintenant, pars dans cette direction et moi je prendrai une autre. Je lui ai demandé de marcher une heure avec lui mais il refusa. Je l'ai quitté en pleurant et lui aussi pleura. Je me mis à regarder ses pas jusqu'à ce qu'il entrât dans une certaine rangée d'arbres.
Par la suite, je me suis renseigné à son sujet et j'ai demandé après lui. Mais je n'ai trouvé personne pourm'informer de quoi que ce soit. Que Dieu l'ait en Sa Miséricorde et qu'Il lui pardonne. Une semaine ne s'est pas passée que je l'ai vu en rêve une ou deux fois. »